Beauté et harmonie

D’après ‘Abdullah Ibn Mas’ud, que Dieu l’agrée, le Prophète, paix et salut sur lui, a dit : « N’entrera pas au Paradis quiconque a le poids d’un atome d’orgueil dans son cœur. » Un homme a dit : « Et si un homme aime les beaux vêtements et les belles chaussures ? » Il dit : «Dieu est Beau et Il aime la beauté. L’orgueil c’est de refuser la vérité et de regarder de haut les gens.»[1]

 

Dieu est Beau et Il aime la beauté

Dieu nous dit qu’Il aime le Beau. Mais qu’est ce donc la Beauté ?

Est-ce d’abord un jugement ?  Notre Beau, idée sensible et abstraite en même temps, clé de voûte métaphysique depuis Platon ; trace son chemin ascensionnel de l’homme épris de beauté de la philosophie, à l’éthique, puis au spéculatif. Aujourd’hui peu de gens s’avancent pour conclure que telle ou telle chose est  belle. C’est devenu un arbitrage de mode, de convention et ne veut souvent plus rien dire.

Devant une chose observée c’est le sentiment que je ressens qui me permet de me dire : «  Je trouve cela beau ». Que les choses soient créées par l’homme ou qu’elles appartiennent la nature, ces dernières peuvent faire naître un sentiment de beauté.

Je me sens alors « bien », exalté, vivant, éclairé….

Il se trouve que mon voisin peut au contraire ressentir une aversion ou même de l’indifférence totale. Tout comme la laideur, la beauté se matérialise donc dans mon plaisir et résulte donc d’une relation intime, personnelle avec l’objet. D’autre part quand je ressens du plaisir ou du déplaisir, c’est moi, la personne avec mon bagage intellectuel, mon éducation, mon expérience, ma culture qui ressens ce sentiment. Ce n’est pas la société entière ni l’humanité.

Je peux difficilement faire abstraction de ces « bagages » afin de tirer une idée universelle de la beauté.

L’ennui c’est que l’on prend souvent le problème à l’envers.

On se demande ce qui est beau au lieu de se demander ce qui rend les choses belles. Qu’est ce qui fait que nous soyons époustouflés par les étoiles, emportés par une recette de cuisine ou animés par une mélodie ?

On sait déjà que ce n’est pas la matière en elle-même qui provoque un sentiment de beauté. Car même si j’avais la plus belle matière du monde entre mes mains, je ne saurais pas forcément lui donner une forme agréable et j’obtiendrai alors un objet inerte.

La beauté réside bien dans la forme, c’est-à-dire dans l’harmonie

L’harmonie me direz-vous ? Oui, vous savez c’est cette plénitude ressentie, une concordance entre des éléments différents. Selon de dictionnaire de l’académie française,  il désigne, au figuré, un Accord parfait et une entière correspondance de plusieurs parties qui forment un tout, ou qui concourent à une même  fin. De la nature à la musique, la régularité, la symétrie, des éléments qui s’accordent viennent témoigner d’un ordre supérieur.

« S’il se trouve une âme et un corps tels que toute la suite des volontés de l’âme d’une part, et de l’autre toute la suite des mouvements du corps se répondent exactement, et que, dans l’instant, par exemple, que l’âme voudra aller dans un lieu, les deux pieds se meuvent machinalement de ce côté-là ; cette âme et ce corps auront un rapport non par une action réelle de l’un sur l’autre, mais par la correspondance perpétuelle des actions séparées de l’un et de l’autre ; Dieu aura mis ensemble l’âme et le corps qui avaient entre eux cette correspondance antérieure à leur union, cette harmonie préétablie »[2]

Cette harmonie a le pouvoir de nous transcender, de nous appeler vers un meilleur de nous sortir de nos platitudes pour nous faire atteindre des hauteurs. Hegel disait à ce sujet que le but final de l’art était d’éveiller l’âme.

« Les couleurs révèlent la richesse interne de la lumière qui, regardée directement, nous aveugle. C’est par l’harmonie des couleurs que nous devinons sa vraie nature qui porte tout phénomène visuel en elle-même. »[3]

« Puisque vous n’avez pas un regard assez pur pour voir Ma beauté sans intermédiaire et sans accompagnement, Je vous la montre au moyen des formes et des voiles. Car votre perception de ce qui est sans qualification passe par la forme. Vous ne pouvez pas voir ce qui est sans alliage. Donc, Ma beauté s’est alliée à la forme, afin d’être à la mesure de votre capacité de vision… »[4]

« Dieu est beau et Il aime la Beauté ». Cette parole du Prophète Muhammad, paix et salut sur lui, nous donne à comprendre que Dieu est la Source de Beauté.

Puisque la Beauté vient de Lui et qu’Il l’aime, c’est qu’elle est aussi une exigence et un chemin pour nous. Une exigence pour la vie intérieure où la Beauté aimée de Dieu est celle de l’âme mais aussi pour l’art. Toute âme et tout œuvre ne sera donc belle que par ce rayonnement.

Ainsi, on comprend que cet ordre divin, cet équilibre émane de l’âme avant d’être ressenti en tant que beauté dans le cœur.

La raison reconnait Sa présence puis  le cœur ressent la beauté…

A la fois perception, expression et intériorisation, l’art ainsi compris n’est pas une fin en soi mais une voie de retour vers Dieu. C’est le rayonnement de dieu en chaque cœur qui donne à l’œuvre sa beauté et qui fait d’elle un chef-d’œuvre intemporel et universel.

Quand la lumière brille en soi, l’art est un acte de Foi, une manifestation visible de l’unité divine. L’artiste va ainsi puiser à la source et transformer la matière en vibration de lumière. « Il aspirera à être ce roseau qui devient flûte en laissant passer le souffle générateur d’harmonie. »

 


[1] Hadith rapporté par Muslim

[2] Leibnitz, philosophe et scientifique allemand (1646-1716)

[3] Titus Burckhardt, Suisse allemand, (1908-1984). Il a consacré toute sa vie à l’étude et à l’exposition des différents aspects de la Sagesse et de la Tradition.

[4] Sultân Valad, (1226-1318). Illustre poète mystique de l’Islam

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