L’environnement et l’islam

Les textes scripturaires de l’islam (Coran et paroles du Prophète) sont très féconds concernant le respect de l’environnement et la conscience écologique. Or, peu de choses ont été écrites à ce sujet en langue française. L’intérêt de cet ouvrage réside avant tout dans le fait qu’il insère les valeurs de l’islam dans le large débat suscité par la crise environnementale majeure que nous connaissons actuellement. Le titre, d’ailleurs, en témoigne : « Environnement et islam », et non « Islam et environnement ». L’auteur dresse ainsi un état scientifique des lieux sur la question, met à contribution de nombreux auteurs sur les causes profondes, les mécanismes et les enjeux de la crise environnementale, et s’associe à la critique du concept de « développement durable ». Tout cela passe évidemment par la remise en cause de la notion de « progrès », pour ouvrir sur des thématiques plus récentes, telles que les « inégalités écologiques ». L’auteur rejoint ici les préoccupations du philosophe Mohammed Taleb, notamment dans son ouvrage L’écologie vue du Sud – Pour un anticapitalisme éthique, culturel et spirituel. Il met également en exergue les dangers que représentent pour le système économique et financier actuel une prise de conscience fondée sur la sobriété et le refus du consumérisme. Ce système va donc se défendre bec et ongles…

S’agissant de l’islam, Jamel Khermimoun pose d’emblée l’enjeu sur le plan spirituel, dans l’intériorité de l’être ; il place au centre, de façon heureuse, la « sacralité inconditionnelle du vivant ». Puis il répartit dans son texte l’enseignement islamique sur la question. Ainsi l’interdépendance écologique est bien sûr une des conséquences du principe d’« Unicité » (Tawhîd), si axial en islam ; les textes scripturaires, et le Coran en tête, invitent l’homme à contempler l’univers et la nature, et donc à les gérer avec miséricorde (rahma) et sagesse (hikma). C’est là véritablement l’une des applications du terme jihâd, soit l’« effort » sur nos penchants égotiques pour préserver notre demeure qu’est la terre. L’auteur évoque ensuite des principes éthiques ayant connu jadis des applications qu’il faut revitaliser aujourd’hui de toute urgence : al-‘adl, vertu d’équilibre et de justice sans laquelle aucune réforme environnementale ne peut aboutir ; al-iqtisâd, voie de la mesure, de la constance et de la modération. Le paradoxe veut que ce terme désigne en arabe moderne l’« économie » dans son acception capitaliste la plus commune… De fait, l’islam stigmatise toute forme de gaspillage. À témoin ces versets coraniques : « Les gaspilleurs sont certes les frères des démons » (1) ; « Mangez et buvez, mais sans excès car Dieu a les gaspilleurs en aversion » (2).

En tant que « représentant de Dieu sur terre » (3), l’homme a une responsabilité axiale dans la gestion de la planète. Cependant, dans le verset même, un pessimisme se dégage puisque les anges, dans leur dialogue avec Dieu, s’interrogent sur le bien-fondé de cette mission confiée à l’homme : « Vas-Tu y placer quelqu’un qui va corrompre la terre et y répandre le sang, s’étonnent-ils, alors que nous prononçons Ta louange en Te sanctifiant ? ». Le verset se termine par cette adresse divine aux anges : « Je sais ce que vous ignorez ». Même paradoxe, même position ambiguë de l’homme sur la terre, dans le verset : « En vérité, Nous avons proposé le dépôt aux cieux, à la terre et aux montagnes : tous ont refusé de s’en charger et s’en sont effrayés. Ce fut l’homme qui s’en chargea, mais il est injuste et insensé » (4).

Si l’on reste rivé sur l’axe de l’horizontalité, il apparaît que Dieu sait que l’homme n’est pas à la hauteur de ce qui lui a été demandé. Sur le plan « horizontal », il n’y a donc pas de solution, et c’est bien ce que nous vivons actuellement. Seule une conscience de type « vertical » – mais qui ne scinde pas la transcendance de l’immanence, et au contraire célèbre leur rencontre – pourrait, selon le scénario coranique, apporter une solution. Il y a donc un projet divin concernant l’humain, qui dépasse sa conscience actuelle.

Préface d’Éric Geoffroy

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(1)     Coran : 17 : 27

(2)     Coran : 7 : 31

(3)     Coran : 2 : 30

(4)     Coran : 33 : 72

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