Le savoir et l’action en Islam

Le juste milieu

Abou Na’im rapporte ces propos du Prophète, paix et salut de Dieu sur lui : «  Le Savoir est le guide de l’action et l’action ne fait que suivre »[1]

Une des principales fonctions du « savoir utile » en Islam est de permettre au fidèle l’imitation parfaite (Al itiba’a) du Prophète, modèle accompli de toute perfection.

Celui qui étudie l’Islam avec un peu de sérieux et de profondeur, se rend compte facilement que ce dernier est une voie de rectitude qui s’incarne dans le juste milieu et la modération. L’Islam, comme voie de fidélité à Dieu, se soucie de la prise en compte des attentes globales de l’Homme d’une façon harmonieuse, sans jamais violenter sa nature propre et sans privilégier un aspect au détriment de l’autre.

L’Islam n’admet pas une vision purement spiritualiste de la Religion qui s’affranchirait des contraintes de la Loi et des règles d’une discipline rigoureuse. De même qu’il ne cautionne pas une pratique strictement rigoriste et superficielle qui se contenterait d’une religiosité à la surface et d’un rigorisme creux qui ne poursuivrait pas des finalités supérieures, un souci de l’intériorité et de la réalisation spirituelle profonde.

L’Islam se situe de surcroît au delà des deux extrêmes qui menacent toute pratique spirituelle : le laxisme négligeant ou le littéralisme desséchant. L’Islam authentique se pratique dans le souci de l’équilibre conforme à la nature originelle (al fitra) selon laquelle Dieu a façonné l’Homme.

L’apprentissage et la purification

Si Dieu invite l’Homme à foncer sur le sommet de la plénitude spirituelle et à franchir les obstacles rencontrés sur le chemin de cette réalisation morale et spirituelle, le fidèle soucieux de répondre à cet appel, a besoin de deux ailes pour réussir cet envol et effectuer ce voyage. Deux piliers sont indispensables voire irremplaçables pour prendre cet engagement vers la perfection de la Foi et atteindre les plus hauts sommets de la complétude morale et de la perfection spirituelle (Al- ihsan). Il s’agit en effet de : l’apprentissage et la purification, ou le savoir et l’agir.

Lorsque ces deux aspects font bon ménage dans un seul cheminement, le fidèle, homme ou femme, se prépare à devenir un (e) héritier(e) du Prophète, apte selon sa prédisposition à la recherche de la perfection et selon son degré de maturité spirituelle à se consacrer pour la cause de Dieu«Les Savants, dit le Messager de Dieu, sont les héritiers des Prophètes. Les Prophètes n’ont  légué ni dinar ni dirham, par contre, ils ont laissé en héritage le Savoir (al ‘ilm). Celui qui en bénéficie, se pourvoira d’un privilège immense. » [2]

La mission du Prophète, paix et salut de Dieu sur lui, telle qu’elle est décrite dans le Coran intègre ces deux aspects sans jamais les dissocier : l’enseignement (Ta’lim) relatif à l’intellect et la purification (Tazkiya) qui concerne l’égo et le cœur. « C’est Lui qui a envoyé à des gens sans livre (les Arabes) un Prophète issu d’eux-mêmes, pour leur réciter Ses versets, les purifier et leur enseigner le Coran et la sagesse, alors qu’hier encore ils étaient plongés dans l’égarement manifeste. »[3]

Le fond et la forme

Dans la pratique de l’Islam, fondée sur la recherche d’une certaine droiture intérieure et une rectitude globale de l’être (al- istiqama), il est souvent artificiel, dangereux même, de dissocier la forme du fond. Il n’y a pas d’accessoires à négliger au profit du principal, une Chari’a à sacrifier pour une prétendue réalité spirituelle intérieure qui contredirait ou mépriserait un précepte clair de la Loi. Il n’y a pas un aspect à choisir ou à favoriser au détriment et contre l’autre. Auquel cas on basculerait vers l’un des deux extrêmes à la marge de la rectitude voulue par Dieu et son Prophète : le laxisme négligeant ou le rigorisme desséchant ; le spiritualisme amorphe ou le juridisme creux.

Le fond et la forme se conjuguent harmonieusement dans un seul cheminement, la gestualité et l’intériorité se complètent subtilement, la forme et le fond s’appuient mutuellement dans l’œuvre pieuse du fidèle. Cet aspect original et harmonieux est ce qui caractérise l’Islam par excellence et que l’on peut facilement rencontrer à travers toutes ses pratiques sans exception aucune. Le Coran, livre de Dieu, ne cesse de nous inviter à la méditation, à la profondeur, à l’intelligence et regorge d’appels incessants à ne pas rester à la surface des rites pratiqués sans le souci de leur finalité, de leur impact profond et de leur exigence spirituelle.

Les finalités

Le Coran et la Sunna ne cessent d’attirer notre attention au devoir de l’accomplissement des bonnes œuvres dans le respect de leurs intentionnalités (Maqasid), et la pratique des adorations dans la recherche de leur sens spirituel et non pas dans la fixation exclusive obsessionnelle aux formalismes et aux apparences.

A propos de la finalité de la prière (salat) Dieu dit :

« Accomplis la prière pour te souvenir de Moi »

« La prière empêche de (tomber dans) l’indignité et le condamnable. Et le souvenir de Dieu est plus grand encore »

A propos de la finalité du jeûne :

« Ô les fidèles ! Il vous a été prescrit le jeûne comme il a été prescrit à ceux qui vous ont précédés, peut-être accéderiez-vous à la piété. » [4] Coran

A propos de l’aumône et de la charité :

«Prélève une part sur leurs biens, par laquelle tu les purifies et tu les sanctifies, et prie pour eux : Ta prière leur apporte la quiétude. Dieu est Audient et Omniscient. »[5]

A propos du pèlerinage :

« Ne parviendront (les bêtes destinées à être sacrifiées par les pèlerins) à Dieu ni leur chaire ni leur sang. Ce qui lui parvient, c’est la piété de votre part »[6]

L’éminent savant indien, Shâh Waliyyollâh Ad-Dehlawî résume très bien cette nécessaire  complémentarité en écrivant: « Les actions  que dicte l’Islam sont  à appréhender -sous deux angles complémentaires. Le premier est leur aspect visible, sous lequel elles sont règlementées par le droit musulman. Le second est leur lien avec les qualités du cœur, en sorte que leur mise en pratique conduise effectivement à une droiture intérieure ».[7]

Le savoir (religieux) intervient alors comme la lumière qui éclaire la pratique du musulman, le repère qui oriente l’action du fidèle et le réconforte dans sa quête de Dieu loin de l’égarement  et à l’abri des sentiers du laxisme ou de l’excès.


[1]hadith rapporté par Abou Na”im dans al Hilya ( 1/ 239) et mentionné dans la série des Hadith faibles de Cheikh al albani ( 5293)

[2]Hadith rapporté selon Abu Darda’a  par Abou Daoud , Tirmidhi, ibn Madja ,

[3]Coran Le vendredi, V2

[4]Coran La vache, V183

[5]Coran  Le repentir, 103

[6] Coran : le pélerinage, V22-37

[7] Voir Hujjatu Allâh al- Bâligha 2/176 Traduction de Anas Ahmed Lala

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