Une miséricorde pour les mondes

Aicha, que Dieu l’agrée, rapporte qu’elle a demandé au Prophète, paix et salut sur lui : « As-tu connu un jour plus pénible que celui [passé] à Uhud ? » Il répondit : « J’ai enduré beaucoup de la part de ton peuple, mais la situation la plus pénible fut celle que ton peuple m’infligea le jour [passé] à ‘Aqaba. En effet, j’avais demandé aide et soutien à Ibn ‘Ahd Yalil qui refusa. Je m’en allai donc soucieux, ne prêtant pas attention où j’allais, jusqu’à ce que je sois parvenu à Qarn Tha’alib. Je levai la tête et découvris qu’un nuage me protégeait de son ombre. Je l’observai et y vis Gabriel qui m’interpella en ces termes : “Dieu le Très-Haut a écouté les paroles de ton peuple et le refus qu’il t’a opposé. Il t’a envoyé l’ange des montagnes afin que tu lui ordonnes de faire d’eux [les hommes de ton peuple] ce qu’il te convient.” L’ange des montagnes m’appela et me salua. Puis il me dit : “Ô Mohammad, Dieu a écouté les paroles que ton peuple t’a adressées. Dieu m’a envoyé vers toi afin que tu m’ordonnes de faire d’eux [les hommes de ton peuple] ce qu’il te convient. Si tu le désires, je les écraserai de ces deux montagnes.” » Le Prophète, paix et salut sur lui, dit alors : « Non, j’espère plutôt que Dieu fera émerger de leur descendance des gens qui adoreront Dieu Seul et sans rien Lui associer. » (1)

Ce hadith rapporte une épreuve vécue par le noble Messager de Dieu à Tâif. Celle-ci est arrivée à la suite de la mort de son oncle qui le protégeait et de sa femme khadija qui le soutenait dans les tourmentes, le Messager de Dieu eut toute la Mecque contre lui. Comme Qoraich restait sourde à son appel, il décida alors d’apporter son Message ailleurs. Il choisit Tâif, une localité dans laquelle résidait la tribu des Banou Thaqif, la deuxième puissance d’Arabie après Qoraich et sa rivale dans le commerce et les honneurs parmi les Arabes.  

Au mois de Chawal de l’an 10 de la prophétie, il prit le chemin de cette localité située à environ 111 km de la Mecque et s’y est rendu à pieds en compagnie de son esclave affranchi Zayd ibn Harithah. Il appelait à l’Islam les tribus qu’il croisait sur son chemin mais aucune ne lui répondit.

Arrivé à Tâif, il choisit trois frères parmi ses hommes les plus influents, s’installa parmi eux, les appela à Dieu et à assister l’Islam. Ils refusèrent catégoriquement son message et eurent des mots durs vis-à-vis de lui.

Sur ces mots, le Messager de Dieu se leva et leur dit : « Puisque vous refusez de rallier ma cause, au moins abstenez-vous d’informer les autres de ma venue à Tâif ».

Sauf qu’au lieu de cela, ils le chassèrent de leur pays et ne manquèrent d’inciter contre lui enfants, esclaves  et gens stupides. Au moment où Il s’apprêtait à sortir de leur localité, les sots et les esclaves le suivirent, l’injuriant et lui criant dessus. Organisés en deux rangs, ils se sont mis tous à lui jeter des pierres et à lui adresser des grossièretés. Ils lui ont jeté des pierres aux tendons au point que ses chaussures ont été teintées de sang. Zayd ibn Haritha s’offrait en bouclier pour le protéger mais il a été blessé à la tête. Les sots et les stupides l’ont contraint à aller se réfugier dans un jardin à quelques kilomètres de Tâif. Une fois réfugié dans ce jardin, les gens ont fini par le laisser tranquille. Alors, il est parti s’asseoir au pied d’un cep de vigne et s’assit à son ombre, adossé à un mur.  C’est là qu’il fit, après avoir retrouvé son calme, cette célèbre invocation: « Mon Seigneur, je me plains à Toi de mon incapacité, ma maladresse et ma faiblesse envers mes semblables, Toi qui est le Plus Miséricordieux des Miséricordieux, Tu es le Seigneur des opprimés et mon Seigneur. A qui me confies-Tu ? À des étrangers qui me maltraitent ou à des ennemis qui m’humilient ? Tout cela m’est indifférent pourvu que tu ne sois pas en colère contre moi. Je me réfugie auprès de la lumière de Ta Face, qui éclaire les ténèbres, et qui est source de sainteté de la vie présente et de la vie dernière, ne sois pas en colère contre moi. Je demande Ton pardon jusqu’à ce que tu m’agrées. Il n’y a de force et de puissance qu’en Toi »

Une dure épreuve, qui a renvoyé le Messager vers son Créateur afin de trouver refuge auprès de Lui de la folie des hommes. Une invocation qui dit toute la soumission mais aussi toute la gratitude et toute la confiance qu’avait le Messager dans son Créateur. Une vraie leçon pour nous autres simples mortels, chaque épreuve est là pour nous rappeler notre humanité, notre faiblesse et notre besoin d’aller vers Lui, priant, implorant, se prosternant pour qu’Il nous rende plus forts, plus humbles, plus proches de Lui.

Dans la suite de l’histoire, c’est finalement un jeune esclave originaire d’Irak appelé Addas, qui rencontrera le Messager dans ce jardin et qui finira par se jeter à ses pieds et les embrasser quand la lumière de la prophétie embrassa son cœur. Quelle ironie de l’histoire ! Ces mêmes pieds ensanglantés et écorchés par les jets de pierres par des jeunes écervelés seront embrassés par cet autre jeune. Certes tout est une question de compagnie ! « Chacun à la foi de son ami le plus intime, choisissez donc vos amis avec soin ».

Le Prophète (paix et bénédiction sur lui) à son retour de Tâif ne se reposa pas pour autant. La fatigue du voyage et les peines qu’il avait essuyées l’incitèrent à chercher refuge dans la prière nocturne. Une adoration à laquelle il tenait beaucoup. Ce soir-là dans la vallée de Nakhla, un groupe de djinns passait par là et entendaient sa lecture. Ils ont alors été fascinés par la majesté du Coran. Convaincus, ils sont devenus musulmans et sont repartis vers leur communauté pour les inciter à croire en cette nouvelle religion. Dieu nous fait part de  leur récit dans les versets suivants (sens des versets) :

 «Rappelle-toi lorsque nous dirigeâmes vers toi une troupe de djinns pour qu’ils écoutent le Coran. Quand ils assistèrent à sa récitation, ils dirent: «Écoutez attentivement…» Puis, quand ce fut terminé, ils retournèrent à leur peuple, en avertisseurs. Ils dirent: «Ô notre peuple! Nous venons d’entendre un livre qui a été descendu après Moïse, confirmant ce qui l’a précédé. Il guide vers la vérité et vers un chemin droit notre peuple! Répondez au prédicateur de Dieu et croyez en lui. Dieu vous pardonnera une partie de vos péchés et vous protégera contre un châtiment douloureux» (2)

Le Prophète (paix et bénédiction sur lui) avait voulu guider les notables deTâif, et Dieu a guidé le cœur d’un jeune esclave. Le Prophète a voulu guider des hommes et Dieu a guidé un groupe de djinns. Le Prophète a voulu rallier la ville de Tâif à la foi de l’Islam, mais Dieu a choisi Médine pour cet honneur.

Remarquons aussi que le Prophète (paix et bénédiction sur lui) avait fait de nouvelles connaissances durant cette épreuve. Il connut Addâs qui est le premier à avoir embrassé la foi de l’Islam en dehors de la péninsule. Il a fait la connaissance d’un autre ange, alors qu’il ne connaissait auparavant que Djibril. Et puis, il a su qu’il y a des êtres autres que les hommes ; les djinns. Dieu a montré à Son Prophète d’autres mondes, pour qu’il sache combien est vaste son royaume, et pour qu’il ne se chagrine pas pour la mécréance d’un petit groupe de gens résidant à La Mecque et ses alentours.

Après l’effort il y a toujours le réconfort, l’épreuve est une partie intégrante de la foi.

La miséricorde du noble Messager se manifeste encore une fois dans toute sa splendeur quand l’ange des montagnes lui fait sa proposition de décimer ce peuple ingrat qui n’a pas voulu répondre à son appel, requête à laquelle le noble Messager répond avec une douceur qui n’a pas son pareil « Non, j’espère plutôt que Dieu fera émerger de leur descendance des gens qui adoreront Dieu Seul et sans rien Lui associer. »  Il donne encore une fois raison à la parole divine : « Ne ne t’avons envoyéque comme miséricorde pour les univers. »

L’épreuve s’est finalement avérée très bénéfique et quand une porte se ferme, il ne faut jamais baisser les bras, car d’autres portes s’ouvrent là où on ne s’y attend pas du tout.

Finalement, ce qui nous est demandé c’est d’être endurants, de faire l’effort, d’œuvrer et de semer puis de s’en remettre à Dieu, en toute confiance et toute sérénité. Le résultat ne dépendra pas de nous, c’est Lui qui décidera, quand Il voudra, comme Il voudra, faire germer la graine et sortir la pousse du terreau de notre labeur.

(1)Rapporté par Bukhari et Muslim

(2)Coran : 46/29-31

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