« Nous allons te le rendre »

Dans sourate Al Qassas, Dieu Exalté soit-Il fait le récit d’un des Prophètes les plus éminents, Moussa que la paix soit sur lui. Ce récit met en lumière la vie de Moussa (paix sur lui) d’une manière chronologique : de sa naissance, en passant par sa jeunesse jusqu’à l’âge adulte, celui de la Prophétie, son histoire sera développée en des termes très précis. C’est en premier lieu le contexte dans lequel va naître le Prophète Moussa qui est décrit. Un contexte qui se caractérise par un régime tyrannique où Pharaon, détenteur du pouvoir, prétendait à la divinité et avait asservi son peuple exerçant sur lui les plus grandes atrocités. Les garçons étaient arrachés à leurs mères pour être tués et seules les filles étaient épargnées.

T’â, Sîn, Mîm. Voici les versets du Livre édifiant. Nous allons te raconter en toute vérité, à l’intention des croyants, une partie de l’histoire de Moïse et de Pharaon. Pharaon se comportait en despote dans le pays. Il avait réparti ses habitants en clans et en opprimait une partie en mettant à mort leurs fils et en ne laissant en vie que leurs filles, car c’était un être malfaisant. (1)

Dieu annonce Sa volonté de changer cette réalité où règnent l’injustice, la criminalité et la corruption institutionnalisées pour restaurer la Vérité, celle qui nous informe que Dieu est Unique et n’a aucun associé, et pour restaurer dans le même temps la paix et la justice dans cette société.

Dieu évoque le prophète Moussa dans d’autres sourates, toutefois, dans sourate Al Qassas, Dieu nous fait assister au déploiement de Son plan étape par étape.  Ce plan débute par une révélation faite à celle qui a porté en son sein la prophétie à venir : la mère de Moussa, que la paix soit sur lui. Dieu S’adresse à cette femme décrite ici dans son rôle de mère que l’on devine inquiète pour la vie de son enfant. Cette inquiétude maternelle est accueillie par Dieu Lui-Même qui donnera à la mère de Moussa des instructions claires visant à protéger l’enfant et à la rassurer.

« Aussi fîmes-Nous la révélation suivante à la mère de Moïse : Allaite ton fils et si tu as peur pour lui, jette-le dans le fleuve, sans éprouver ni crainte ni chagrin à son sujet, car Nous allons te le rendre et en faire l’un de Nos messagers.” » (2)

Dieu Exalté soit-Il inspire à la mère de Moussa de l’allaiter tant qu’il sera en sécurité mais une fois qu’elle craindra pour sa vie, elle devra le déposer dans le fleuve qui le conduira jusqu’à son ennemi « … Là, un ennemi à Moi et à Lui le recueillera » (3). Une bataille singulière s’apprête donc à être livrée : un nourrisson porté avec douceur par un cours d’eau pénétrera sans lutte et sans violence dans la demeure de celui qui prétend être un dieu et qui, dans l’ignorance totale de ce qu’il adviendra de lui, ne présentera aucune opposition « La famille de Pharaon recueillit l’enfant sans se douter qu’il allait devenir pour eux un ennemi et une source d’ennuis… Ils ne pressentaient rien de ce qui allait se produire. » (4)

    Toutefois, dans le récit de cette bataille qui s’annonce, l’état émotionnel de cette maman qui se sépare de son enfant n’est pas ignoré. Dieu Se montre présent à ses côtés et la réconforte « N’aies pas peur et ne sois pas triste » en lui promettant que son enfant béni lui sera rendu et en lui faisant l’annonce heureuse qu’il sera fait prophète.

Si le lecteur s’arrête sur ce passage avec toute l’attention du cœur, il ne peut qu’être saisi par la finesse de la formule « Nous allons te le rendre ». Toutes les créatures appartiennent à Dieu Seul, Il est en Son pouvoir de disposer d’elles comme Il le veut mais voici que cette promesse du retour semble soulager la peine de cette mère et lui dire que son enfant lui est seulement “emprunté” pour que se réalise la volonté divine. Cet amour maternel n’est donc pas condamné ou même renié, il est au contraire appelé comme soutien et comme renfort à l’établissement du changement souhaité. La mère d’un prophète n’en demeure pas moins mère, comme nous le constatons dans ces versets, mais ce sentiment maternel, commun à toutes les femmes, lorsqu’il s’incline et se met au service de Dieu, il s’en trouve accompagné, orienté et célébré.

La douleur de cette séparation nous parvient en des termes bouleversants « Et le cœur de la mère de Moïse devint vide » (5). C’est l’être profond de cette mère qui est décrit et ce n’est pas par ses paroles que nous prenons connaissance de sa souffrance mais c’est Dieu Lui-Même, Connaisseur de ce que renferment les poitrines qui nous dévoile l’état de ce cœur ; ce n’est plus la mère qui nous est présentée mais c’est son cœur, là où se logent les sentiments les plus profonds. Elle n’est plus que ce cœur endolori par le vide que lui procure la séparation de son fils. Ainsi, ce vide semble occuper tout l’espace de ce cœur triste et cette douleur, révélée dans sa profondeur, traverse les époques et les terres pour parvenir jusqu’au lecteur attentif de ce récit. Une douleur apaisée par le retour de l’enfant et remplacée par le réconfort et la conviction en la promesse divine « Et c’est ainsi que Nous le rendîmes à sa mère, pour la consoler de sa douleur, faire cesser sa peine et lui montrer que Dieu tient toujours Ses promesses, bien que la plupart des hommes ne s’en doutent guère » (6).

De plus, dans l’accomplissement de Son décret, Dieu Exalté soit-Il, entoure Son prophète dans les premiers moments de son existence, par des femmes qui n’auront de cesse de veiller sur lui et de le protéger. Comme nous l’avons vu, c’est d’abord sa mère qui le nourrira de son lait et qui le sauvera d’un sort atroce en le déposant dans le fleuve et en surmontant sa crainte et sa tristesse. Il sera ensuite recueilli par la femme de Pharaon donnée en exemple à tous les croyants « Mais aux fidèles Dieu donne l’exemple de la femme de Pharaon lorsqu’elle dit : « Seigneur ! Réserve-moi, auprès de toi, une demeure au Paradis ! Protège-moi de Pharaon et de ses manœuvres et délivre-moi des êtres iniques » (7). Cette noble femme vivant au côté de ce mari-tyran verra en la venue de cet enfant un heureux présage « La femme de Pharaon lui dit : “Cet enfant sera une consolation pour nous deux. Ne le tuez pas ! Peut-être nous sera-t-il utile un jour ou le prendrons-nous pour fils” » (8) et elle veillera ainsi à son éducation et son bien-être. Par la suite, la sœur de Moussa sera chargée par leur mère de suivre sa trace après qu’il eût été déposé dans le fleuve « Ne perds pas de vue ton frère ! “, dit-elle à la sœur de Moïse. Et celle-ci se mit à le suivre de loin sans qu’on l’eût remarquée » et face au refus du

nourrisson de prendre le sein d’une autre que sa mère, cette sœur aura l’intelligence et le courage de proposer une issue qui soulagera la femme de Pharaon et contentera la mère : « Voulez-vous que je vous indique une famille qui pourra se charger du bébé et lui prodiguer les soins dont il a besoin ? ». (10)

 Enfin, dans la jeunesse de Moussa lorsqu’il fuira Pharaon, cet univers féminin se complètera, par la rencontre et l’assistance à deux jeunes femmes en difficulté « Arrivé au point d’eau de Madyan, il y trouva un attroupement de gens occupés à abreuver leurs troupeaux, pendant que deux jeunes femmes retenant leurs bêtes se tenaient à l’écart… Moïse fit alors boire le troupeau des deux jeunes filles et se retira à l’ombre en disant : “Seigneur, j’ai grand besoin de toute grâce dont Tu voudras bien me gratifier!” » (11).

Nous réalisons donc à la lecture de ce passage dans le Saint Coran que la prophétie de Moussa est née dans cette affliction maternelle qui a su être endurée et surmontée pour qu’un jour cet enfant, devenu prophète, puisse se tenir debout face à ce tyran sanguinaire, aveuglé par son égo et lui tenir une parole de Vérité que seuls les grands hommes et les grandes femmes de ce monde ont pu affirmer dans le plus grand courage et la plus grande détermination : “Nul n’est digne d’être adoré en dehors de Dieu, l’Unique!”

Une parole libératrice qui permettra au peuple de Moussa et à tous ceux qui en feront leur crédo de s’extraire du joug de l’injustice et du mensonge pour s’exposer pleinement à la miséricorde de Dieu.

(1)      Le Récit : 1, 2, 3, 4.

(2)      Le Récit : 7

(3)      Ta Ha : 39

(4)      Le Récit : 8

(5)      Le Récit : 10

(6)      Le Récit : 10

(7)      L’interdiction : 11

(8)      Le Récit : 9

(9)      Le Récit : 11

(10)    Le Récit : 12

(11)    Le Récit : 23 

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