Hajj 2022 : Motawif et ses défaillances à gogo racontées par des pèlerins

Que de stress généré par Motawif. A Saphirnews, nous ne comptons plus les témoignages faisant état de dysfonctionnements avec la plateforme récemment mise en service pour les candidats au hajj en provenance d’Europe et des Amériques. Des pèlerins français nous racontent leurs mésaventures.

C’est au petit bonheur la chance. Et pour Khalid, Abdel et Nassim (prénoms modifiés) qui ont constitué un dossier unique via le portail Motawif pour faire le voyage ensemble, ce n’est pas de chance, si tant est qu’on ose traduire ainsi une situation où le professionnalisme de Motawif est fortement remis en question. Arrivés dimanche 26 juin à l’aéroport Paris-Charles de Gaulle pour prendre le vol de la Saudia Airlines prévue à 16h45 en direction de Djeddah, le groupe d’amis se voit tout bonnement informer qu’ils ne sont « pas sur la liste » des passagers alors même qu’ils ont payé quelque 23 000 € à trois pour des packages sensés comprendre les billets d’avion.

« Nous avons été tirés au sort jeudi (23 juin). On a réussi par payer le lendemain et on a eu le visa le soir même. Mais nous n’avons jamais reçu nos billets d’avion. Comme tous les passagers du vol », nous raconte Khalid depuis l’aéroport. « On est quand même venus munis de nos identifiants, de nos visas, des attestations de paiement prouvant qu’on a acheté les packages avec les billets et les hôtels » dans l’espoir de prendre sans encombre le vol, « en récitant la Fatiha et avec nos mains qui tremblent ». L’espoir est vite balayé au comptoir d’enregistrement pour les trois amis et quelques autres candidats au hajj.

Payer plus dans l’espoir d’être écoutés sur place

Que faire ? Tandis que la Saudia Airlines leur indique ne rien pouvoir faire, Khalid, Abdel et Nassim essayent de joindre désespérément Motawif, en vain. Voyant la perspective d’accomplir le hajj s’envoler, ils prennent alors la décision, « une demi-heure avant la fin de l’enregistrement », de… payer de nouveau le billet d’avion. « Un peu plus de 1 000 € par personne », déclare, dépité, Khalid. Sans compter les billets de train les amenant vers Paris (ils sont originaires du nord de la France), « on a déjà payé 7 600 € chacun. On a pris le risque de payer un peu plus. Heureusement que nous avons encore un peu d’argent sur nos comptes et qu’on pouvait encore utiliser notre carte bleue, complétée avec de l’espèce. (…) D’autres personnes (qui se sont retrouvés dans une situation similaire, ndlr) n’avaient pas les moyens et sont retournés chez eux », assure-t-il.

« Imaginez si on était restés ici, qu’on nous dise que c’est de notre faute si on a raté notre vol et qu’on nous refuse le remboursement. Comment fait-on ? Je viens de passer 40 minutes sur Motawif à dire “Allô ? Allô ? Allô ?” Un coup, “Je vous entends, je ne vous entends pas… Attendez un peu, ne vous inquiétez pas…” Mais à la fin, rien ne se passe ! On a choisi de prendre le risque de partir pour trouver une personne sur place à notre écoute plutôt que de ne parler à personne. »

Ils espèrent donc pouvoir parler à des responsables de Motawif sur place « pour expliquer leur situation et obtenir un remboursement » par la suite. Y parviendront-ils ? « On ne sait pas ce qui va nous arriver mais on prend le risque. »

« On parle avec des robots »

Avant d’embarquer, Abdel ne cache pas son mécontentement envers Motawif. « On nous dit de passer par eux pour éviter l’arnaque mais je crois que la plus grosse arnaque, c’est eux… au point d’être obligé d’acheter un billet qu’on a payé pour partir. (…) Pour obtenir des informations, il faut les appeler mais pour les avoir en ligne, c’est la croix et la bannière. Impossible de les avoir. Si on a la chance d’avoir quelqu’un en ligne, ce n’est pas gagné non plus pour obtenir des réponses. On parle avec des robots. C’est le côté négatif de la dématérialisation, c’est très compliqué à gérer pour un séjour spirituel », indique-t-il.

Les trois amis avaient prévu de partir avec une agence avant leur annulation de la saison. « Il y a quelques brebis galeuses mais comme dans tous les métiers. Il ne faut pas tirer à boulets rouges sur toutes les agences, la plupart sont bien. Au moins avec elles, on était tranquilles. On leur donnait nos passeports, les chèques, et on pouvait faire notre hajj sans se prendre la tête » sur les tracasseries administratives et logistiques, indique Abdel. C’est désormais une autre aventure qui se dessine. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ils ont choisi de partir à trois avec, en tête, Khalid qui a déjà accompli le hajj (et pas qu’une fois), ce qui n’est pas le cas de ses amis.

« On voulait voyager ensemble plutôt que seuls car on ne sait pas avec qui on va se retrouver dans les chambres. A trois, on se dit qu’on a plus de chances d’obtenir une chambre ensemble et pas avec des inconnus dont on ne connait ni leurs habitudes, ni leur comportement. » Surtout, en cas d’absence d’accompagnement de Motawif, « je suis capable de me débrouiller sur place. C’est aussi pour cela que mes amis m’ont choisi », signifie-t-il. « J’ai des réponses à des questions pratiques, même si je trouve que c’est flou cette année. Mais pour ceux qui ne connaissent pas La Mecque, ce sera encore plus flou. »

Lui-même reconnait des points positifs au système des agences. « Avec une agence au moins, au moindre souci, on sait où trouver leur bureau en France, on peut les attaquer en justice… Avec Motawif, comment fait-on ? Et on attendait des prix moins chers que les agences, 6 000 € maximum mais on paye presque 8 000 € (pour les moins chers, ndlr). Franchement, je regrette, je ne vous mens pas. Ça ne m’est jamais arrivé d’avoir autant de problèmes », déclare Khalid.

Des cas de défaillance autrement plus préoccupants

Des problèmes avec Motawif, ce n’est pas ce qui manque : des situations plus préoccupantes sont chaque jour remontées à la rédaction. Des dizaines de candidats au pèlerinage ont, par exemple, payé leur séjour mais ont reçu en échange un message leur déclarant que leur réservation a « échoué » alors que leur vol est prévu les 29 et 30 juin.

Selon nos informations, et après quelques jours sans nouvelles réjouissantes de la plateforme, des représentants d’un groupe comptant environ 110 personnes dans ce cas de figure se sont rendus lundi 27 juin au consulat d’Arabie Saoudite, en région parisienne, dans l’espoir que le problème soit pris en charge dans les plus plus brefs délais. Une rencontre a été organisée à la hâte avec le consul mais, à ce stade, aucune solution n’a été apportée aux plaignants. Le stress n’est malheureusement pas prêt de retomber.

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